/
Et je m’éveille avec une guerre dans chaque dent ça en fait du bruit dans l’aube si calme qu’on entendrait la rosée mais les guerres et les gens qui meurent en direct à la télé et les présidents au cœur carié baillent aux corneilles pendant que dans ma bouche c’est Gaza Soudan et compagnie et que je m’accroche à des lambeaux de contes je m’accroche aux fées clopin clopan je m’accroche aux schémas narratifs en lambeaux et finalement il ne reste que la situation finale comme une peau de chagrin qui me laisse tomber parce qu’il n’y a plus de place pour s’accrocher et que tout part à vau l’eau il n’y a plus de saison une bonne soupe une bonne guerre et au lit comme dirait une certaine sagesse populaire mais le populaire n’en peut plus de la soupe et de la guerre et les lits sont usés parce que les matelas sont trop chers et tout le monde a mal au dos c’est un sujet palpable ah ah le mal de dos le mal de tout d’ailleurs Il y a des gens qui décrochent avant que ça patatra il y en a qui n’ont jamais accroché et puis tout le magma de ceux qui s’accrochent à des courtitudes absolues qui font semblant d’être longues c’est ce qui marche le mieux d’ailleurs la courtitude qui se fait passer pour une longueur très longue et très habitable alors que c’est une poubelle de plus mais ça ne se voit pas tout de suite c’est comme presque tout le reste c’est capable de vous faire passer des vessies pour des lanternes alors qu’il faudrait un éclairage XXL au cube et en cachets même pour que tout le monde avale de la lumière en jet continu et qu’on en parle plus. Qu’on en parle plus et qu’on s’éveille Qu’on en parle plus et qu’on se réveille
QU’ON EN PARLE PLUS ET QU’ON S’ÉVEILLE
/
Vivement
Le jour
Toi dans le jour
Moi dans toi dans le jour
Vivement
Vivement
Vivement nous debout dans la nuit
Le jour dans la nuit
Vivement
Le haut revenu dans le bas
Vivement haut
Vivement tout
Vivement tout va s’arranger
Vivement ça s’arrange
Vivement ça s’est arrangé
Vivement maintenant paix
Vivement maintenant paix
Vivement maintenant paix
Vivement Vivement
Toi et moi et eux debout
Vivants revenus vifs
Vivement nous heureux
Vivement nous et le feu
Vivement vivement
Vivement la nuit le jour le feu l’eau l’air vivement tout dans la bouche et le sexe et les mains et vivement tout debout vif vivement vif
Vivant Debout
Debout
Vivement
Le jour grenade et ses mille grains de chair rouge
/
Enlevez-moi la nuit de la bouche
pour y mettre une boréale
Laissez-la s’installer puis se répandre
dans la gorge et le cœur et le ventre
Donnez-moi le jour
Je suis prête maintenant
Je n’ai plus la plante des pieds absente
J’ai les jambes alertes
L’œil ouvert à l’aurore
La peau tendue comme une voile
sous le vent sûr
J’ai la vie dans les mains
Regardez, prenez-les dans les vôtres
Il n’y a plus de froid dans les paumes
Seulement quelques cristaux égarés de gel idiot
Il n’y a plus de place pour le vide
Juste des interstices suffisants
Mais humbles,
Des souffles de lucide adroit.
Habitez-moi pour de bon,
Je suis une maison de mots purs
et de baisers dorés.
/
Je ne vais pas inventer un nouveau langage je ne vais pas faire des bruits bizarres avec ma bouche je ne vais pas ne pas rien dire je ne vais pas me faire passer pour une lanterne je ne suis pas une vessie non plus je ne vais pas mais je voudrais vous enlacer tous avec des mots purs et des virgules amoureuses des points levés vers le haut des bruits d’amour souple et serein Je voudrais vous émouvoir vous toucher intus and in cute vous caresser les poumons les artères les entrailles à tout bout de champ et vous dire que tout va bien se passer que tout ça n’était qu’un petit cauchemar d’enfant seul que tout le laid s’évanouit pour un jour de grâce revenue
/
Marche.
Avance dans la lune des membres,
Le territoire des entrailles à tes pieds.
Reine au possible levant la jambe
Plus haute que la chienne sacrée
du langage
A court de flambée.
Danse.
Ouvre le lieu du corps à vif
avec les jupes de tes dents.
Ordures aux lèvres
et perles de salive dans les coins,
La diagonale des bras à la verticale ;
HURLE AU MONDE SA MERDE ET SA BEAUTÉ
/
ENTRE L’ATTENTE ET LE DOUTE IL Y A LA PAIX
TOUT AUTOUR LE CARNAGE
/
À l’aube j’enfile les rêves colliers de perles petits poissons pris par la bouche
Parure pour le jour cru le jour nu
Le jour sans eau sans sel et sans l’horizon sur la langue
Rêves poissons bouches
Harponnés crevés bien ordonnés
Sur mon collier de rêves
Vous vous levez matin pour crier vérité aux mains des pêcheurs cruels et vains
Vous vous serrez en rangs fermes et drus et toutes écailles luisantes encore fraîches de l’onde de nuit
Vous muez la plaie en île ouverte et vous cicatrisez en longeant le jour tapis rouge vous cicatrisez en chantant tous les mythes relevés
Vous êtes la cosmogonie d’un monde bleu sur un sang clair
/
J’ai mis la verticale à l’envers
J’ai oublié l’ombre
La toiture des mots
Grande ouverte
J’ai allongé la route
Puis j’ai mis tout l’espace dans le sang
C’était le cosmos écarlate
Dans la bouche le vif et le feu
Dans la peau l’eau bleue de ton hydre folle
J’avale
J’ai le volcan convexe
Et la flamme aux fesses
/
Puis j’ai dévalé l’aurore
Aucune marche n’a failli
Les jambes allongées comme un pont suspendu sans attaches comme le jour succède au jour comme on vit souple sur un air frais J’ai plié le temps en origami
Osties légères et fondantes
J’ai communié
Eucharistie limpide blanche
Impeccable J’ai fait plouf plouf avec les éléments
De l’air au feu il y a eu toutes les mers terre en tête têtue emmêlées salvatrices
Et j’ai fait Ulysse et Pénélope confondus
Les mythes en bandoulière
Puis j’ai rendu mon larcin
Et j’ai vu le soir et ses palpitantes
Le festin de lumières en bouche
Tout a commencé
L’alphabet dans l’assiette
Ponctuation à table
J’ai goûté les merveilles
Une messe au palais
La langue ?
Ininterrompue
/
Et si la transe me surprend au lever du jour
Je la recevrai là,
Je lui demanderaI
De me couvrir de mots
De relier mes organes entre eux
Par des phrases
De relier ces phrases au monde
Et d’allumer la lumière.
MAIS
Pas les robes
Pas pas elles devenues
Pas les tissus lourds
Étroits
Et le corps lambeaux
Trop trop enrobé
Pas la mue trash
Pas pas les jambes
Entravées De nuit
Pas pas ça
Pas le jour cru
Trop trop serré
Comme les robes nues
Comme comme tout
Tout se serre tout s’est cru
Pur
Et puis puis pa patatra
Les robes sales les robes
Serrées sales ça ça fait mal
Au corps pas pas pas ça
Ça pèse
Mille robes mortes
Dans le ventre
Ça pèse son pesant d’or
Liquide entre les jambes
Ça coule sur un temps sec
Pas pas ça encore
Pas la robe qui coule
Entre deux temps debout
Pas le temps
Pas ça encore
Patatra
Pas les jambes lourdes
Et le tissu qui coule
Ma ma ma langue au soleil
/
Et le sang s’arrête en chemin la blessure Comme suspendue Le chemin se blesse aussi Les ornières ourlées de chair Et de mots recousus sèment Une cicatrice haut la main Tout s’arrête en route Tout se fige lentement Dans un risque Ça susurre le précipice Ça le langue Ça se précise Singulièrement Pas de vocable possible Sur les à-côtés du vivre Pas de solution à sucer Pastille pastille sûre Pas tout court Le sang poursuit son cours Son envers et son double Là-bas comme debout Sur une croix fière
/
ici et maintenant la peau lisse
le lendemain au présent d’or
et d’ébène enluminés. Je vais
écrire comme on épouse le
monde, une phrase tout autour
des entrailles. Je vais vous
aimer tout en écrivant, je vais
vivre avec un verger dans le
cœur, une verge par voyelle.
/
Je vais écrire
comme on aime,
je vais écrire vous aimer entrer
dans les mots comme on baise
comme on entre en femme
comme on aime vous dis-je,
comme on aime. Je mettrai des
roses dans ma langue et des
nuits de lys dans vos yeux pour
que les bouches et les pas et
les mains se tendent incessamment vers l’avenir maintenant
/
Mots de suture
Comme le fil
Tendu devant le vide
Docile sous la catastrophe
Il n’y aura pas d’autres luttes
Il s’agira de marcher, serein,
Une pierre dans la lame.
Aux abords de la cicatrice.
Il s’agira d’en découdre avec le temps
l’avenir aura des dents.
/
Pas de mot sinon la langue
Pas de langue sinon le corps
Sa peau- mot ajustée
Impeccable
Sa robe oblongue
De veines éblouies
Et de lumière- claque l’ébloui me gifle
Et j’en claque
Dans le jouir
La langue sur le mot
Le corps sous la langue
Je baise et la lumière
Et la claque
Ça commence
/
L’opprobre : à la trappe !
La peur : à la trappe !
La peine : à la trappe !
Le cœur plié : à la trappe !
Les tripes en vrac : à la trappe !
Le doute sale : à la trappe !
La mauvaise haleine sur les mots : à la trappe !
Les membres courts : à la trappe !
Le médiocre : à la trappe !
L’ennui : à la trappe !
Les larmes en vain : à la trappe !
Et puis le sol reconverti, lisse,
doux comme une chair sous le sel et le soleil
et la mer refaite à bloc, le sol sans trappe, soudain,
après l’avalage du laid, le sol océan serein, là où nous
sommes allongés, petites îles flottantes sous un zénith
si doux que la brûlure est bannie, le sol souverain,
enfin.
Et nous à la proue du monde, nous nefs pour fous
amoureux, fiers, conquérants d’une eau pleine,
nous buvons à la source conjuguée, nous à la dérive
volontaire et farouche, nous les univers des inconnus
et des royaumes à portée de main, sur le bout
des langues, nous le vocable et la naissance, nous,
cosmogoniques et droits, nous portons loin devant
les allures élégantes des phrases à venir.
/
De la poésie des armes des armes désarmées
De la poésie
De la poésie réarmée
Des larmes et des armes
Des larmes et de la poésie
Armez la poésie sans tirer sans sans sans sang sang larmes Des larmes dans les armes
Arrêtez tirez arrêtez tirez cess cess cessez pas le feu il fait froid et il brûle ce froid arrêtez cessez cessez le feu qui tue qui tue qui tue qui tue qui pue
Allez dans les bras des femmes aux parfums de vie bleue
Laissez les faux rois
À la trappe et laissez les trappes sur les faux les faux les faussaires Il faut laissez les morts enterrer les morts
Et la poésie pleurera
Et les armes aussi Et tout rira dans le sang des enfants de Gaza
/
Le sang des enfants de Gaza
Lève un monde
La nuit n’aura pas
Leur aube
Le rire des enfants d’Israel
Ne froncera pas d’un pli
La nuit n’aura pas
Leur aube
Les yeux des enfants de Gaza
Restent ouverts sur leur aube
La nuit n’aura pas leurs paupières
La nuit n’aura pas leur aube
Les enfants des deux terres
Dansent ensemble
Dans un Autre jour
La nuit n’a pas leur Aube
/
L’impétueux
Sa fougue en bouche
L’ardeur sa flamme aux fesses Le flamboyant en feu
La foudre aux yeux clairs
La mer et ses fentes rouges
L’incendie dedans
Tous les messies en un
Et l’avancée des siens
L’apocalypse en langue
Je dis
L’OR ET LE SANG REVENUS
/
J’ouvre un espace en l’air
Ventre à la proue
Et je mets bas
Une nef
Fabuleuse
Aux mers éblouies
Je mets bas
Et l’eau dit mon nom
Baptême vertical
L’eau me baptise
Sur une mer heureuse
Et la nef fend tous
Les futurs en flammes
Hautes
L’incendie embrasse
Son océan
Et ses dessous
Par milliers
J’ouvre un espace en mer
Et le monde dans la bouche
Je dis que
Ma terre est reine
/
La lumière sait
Franchir son
Obstacle
Monture adroite et sereine
Elle est l’arbre sur la roche
Sèche aux racines
Envoûtant le monde
La lumière sait l’eau
Dans la bouche
Du nouveau né
L’aride et son oasis
De peau fraîche
Les traversées de sel
Amer
Le miel aussi
Le miel sur la langue
Les mots les choses
Elle rend le Tout sucré
Là où tu te trouves
Au bord des deux mers
La lumière t’attend
/
Mon amour kaki mon amour
Grenade bouche ouverte
Et les dents noires là-bas
Les dents longues qui
Mordent monde
Les dents non les dents mangent les enfants de la terre
Et la terre sang crache
Et toi mon amour mère mon
Amour père mon amour grand
Debout au-dessus des dents
De Gaza
Mange le noir
Mange les dents
Et redore terre
/
Maintenant est dans les dents
Son été hiver fond
Sur ma langue
Son avenir ?
Une arche avec Noé
Femme aussi,
Noé androgyne
Et son double à la bonne place
Ses bêtes aux yeux fous d'avoir quitté la terre
Maintenant fond
Sur la langue et la bouche
S’ouvre grand pour dire
L’Élevé et le Debout
Une parole vient
Les bêtes oublient la soif et leur faim
La parole a le corps glorieux
Maintenant danse
Maintenant rit
Maintenant dit des phrases Sages brodées de folie pure et
C’est la grâce pour de bon
L’eau se change en or et
L’arche est une patineuse
Lancée à vive allure sur la Surface plane et dorée
D’une mer neuve où Noé
Roi et reine rassemblés
Ivre de beauté
Grave les signes
D’un Verbe
Foudroyé
/
Un hasard tricoté main et vous voilà en plein kairos, l'air de rien, debout au centre de la cible, flèche et point à la fois. Il fallait bien que ça arrive.
C'est élégant les circonstances de temps en temps, ça met les grands plats dans les petits, ça remue.
A vrai dire c'est préférable, pour rester humble.
La peau, lorsqu'elle valse avec la langue, c'est du magistral collé au magnifique
/
Sous le fini la ligne droite du devenir
Ample
Une corolle s'enfle devant
Le fini n'a pas de dents
Il ignore la chair et le fruit
Il avale sans mot dire
Il meurt un peu plus à chaque fois
Le devenir lui, est vorace
Toutes les plaines du désir lui appartiennent
Tous les prémisses
Aussi
Le devenir a le bras long
Moi, je mâche mon fini, la langue future va bon train, et les mots se targuent d'un libre arbitre
Et ça danse un demain fou,
Un demain au sens à la proue
/
Le blanc retourne au blanc
Le linge et les pupilles font bon ménage
L’un sur les autres
Et le braille en bouche
Au palais
Sur la peau compassée du cœur
Lessive au corps
Tout ce petit monde
Aveugle et sourd
À 90 degrés long cycle
Étendu au Zénith
Ça lave sec
Ça lave dur
Lessive longue lente profonde et extrêmement délicate aux entournures
Moi je prends mes yeux ma langue mes mains et je m’en vais loin au blanc qui retourne au blanc
Je m’en vais au corps serein et aux matins d’aurore fraîche
/
Quelques peaux en suspens
Et du papier ouvert
Sur leur grain
Un livre de chair
S’avance
Un feuilletés de mondes
L’automne susurre
Se lit double
Draps de mots répandus
Souples
Une prophétie va devant nous
Au centre l'os et sa quintessence attendent le moment propice
On ne s'ouvre pas au premier venu
au tout venant
comme on salue son voisin
L'essence cinq a le graal
chevillé au corps,
pas question d'en verser une goutte
à l'inconséquence,
qui déborde cela va sans dire
L'os et sa moelle posés là au
Centre de Tout ont les yeux
Du monde lorsqu'il a soif
Ça ne peut pas s'écrire cette soif-là,
Ça se sent comme on
Commence à aimer
Ce premier souffle vers l'Autre
Cette grâce inouïe et sûre
Cette envergure à la ferveur
Bienveillante
C'est un peu ça mais en mieux
Ça ne peut pas se dire
Ça s'approche avec la peau
La peau et sa limite
Et son illimité
Cela va sans dire aussi
Et la faim
Va devant moi
Ce ne sera pas des
BARREAUX
De chair muette
/
Les bouches
Emmêlées
VOLUBILES
Ouvrent des portes
Maritimes
IRIDESCENTES
Ciel
Jardiné de sèves
Et de sangs
Aux fruits
TINTANTS
Savoureux
Sous ces lèvres
Je suis
Langue éblouie
Verger
Suspendu
Vaste
LUMINEUX
LE MONDE S’ÉTALE
COMME UN SOLEIL
/
Il faudrait pouvoir s'envelopper de toute la tessiture du mot pour sentir ses rondeurs amoureuses
Il faudrait pouvoir creuser des marches dans le mot pour que la langue soit une ascension sûre et sereine, pour qu'à l'arrivée il suffise de s'étendre et de garder les yeux clos sur un dedans plein maintenant, un dedans plein d'une langue aux voluptés claires et aux bouches saines
/
Trois cents feux dans le sang et le sang levé trois fois droit
Trois silences et le vent
Dans les feux et le sang
La peau trois cents fois pétrie de vent
Et la bouche et les seins et la main trois fois sans
Sans le souffle et le feu et le vent
Et les yeux et les dents sans levant
Alors dedans et droit devant
La langue la langue la langue dit ton nom le temps le lieu l’a-present trois fois sans
Et l’avec droit devant
Trois cents feux dans le sang
Souffle feu et vent
L’incendie est prêt maintenant
Ouvre
Allume
Prie la flamme haute
Affame le froid
/
Un à un
Les arbres plantés
Par le sommet
Forment
Une couronne
De racines heureuses
Qui va y poser sa tête
Sera l'envers du roi nu
Les semelles au ciel
Et les cheveux
Comme des fougères
Haletantes au vent
J'amène un sceptre de
Sept lieues
Un destrier d'ébène
Et de soie rouge
De l'or murmurant
Dedans
Pour toi les astres
Seront fous de
Trajectoires déliées
Et de galaxies fêlées
Aux humeurs écarlates
Pour toi la joie
Demeure la comète
Essentielle
Et le zénith aussi
Je vais semer de l'eau par
La racine
Pour boire le dedans
De la terre
Et voir un jour comme
On vide sa coupe
Jusqu'à la lie
/
SACRÉ NOM D’UNE PIPE
Alors voilà vous prenez l’instant, vous le prenez bien par les parties hautes, vous lui attachez les oreilles, l’instant ne doit rien entendre, vous le tenez bien là devant vous mais ne le tuez pas, la chasse à l’instant c’est dépassé, c’est l’hier et le demain qu’il faut chasser, il faut arrêter de se tromper de proie vous savez, les espèces se font de plus en plus rares, l’instant est en danger, il faut le protéger, regardez-le bien, tenez-lui bien les parties basses aussi, l’instant c’est ce sexe que vous mettez dans votre bouche et qui est tous les volcans du monde que vous allez faire gronder avec votre langue, l’instant c’est de la peau tendue par le sang, c’est le totem ardent là entre vos lèvres et votre langue autour à l’escalade des parois chaudes et palpitantes et votre langue parle aux parois veinées du verbe car au début était le verbe et le verbe se fit chair mais on a dit pas de passé, c’est le passé qui est à manger alors vous escaladez vous et votre langue ces monts merveilleux qui grandissent avec de la lave dedans, votre langue fusionne avec l’instant, c’est rouge doux et profond, ça vous ramène au centre de la terre, c’est de la fellation mystique, vous votre langue et l’instant, ça y est vous mettez au monde un dasein flamboyant ça y est vous êtes sauvés, vous votre langue et l’instant. Et puis vous montez vous descendez le long de ses parois et vous devenez Sisyphe heureux comme disait l’autre*, du coup vous ne l’imaginez plus vous l’êtes, Sisyphe heureux, parce que ça vous plait de vous promener avec votre langue de haut en bas en long en large en large et en travers, ça vous plait et ça plait à l’instant aussi qui gronde s’enfle rougit et puis soudain c’est la cosmogonie dans votre bouche, la cosmogonie en jets continus, c’est l’irruption de l’instant qui accouche d’autres instants en devenir mais on a dit qu’on n’en parlait pas du devenir alors revenons-en à maintenant avec l’instant et son irruption en jets continus dans votre bouche sur votre langue qui grandit qui grandit, qui devient arche de Noé remarquez elle a de quoi avec toutes ces espèces qui s’agitent qui s’agitent, laiteuses à souhait, laiteuses et voie lactée où vous dansez, légère, brulante, vous dansez et vous voguez dans et avec l’instant, sur l’arche au mat totem où le dasein est capitaine, et vous voilà intus et in cute, voilà, c’est là. Vous êtes là, enfin, ici et maintenant, avec votre instant, votre langue pleine et la voie lactée dans le gosier ; vous venez de repeupler la forêt amazonienne de votre ventre en quelques secondes, en un instant, et c’est bien la peine de recommencer, à ce compte-là, des voyages, des peuples et des galaxies, c’est à la portée de toute bouche bien intentionnée.
/
Il y a des mots plus hauts que d’autres
Des mots ajourés
Avec le ciel aux sons
Des astres allés aux voyelles
Les consonnes légères
Il y a les phrases enlevées
Nues
D’une grâce si soyeuses qu’elles Fondent en bouche avant
D’être dites
Il y a le souffle continu de leur
Son
Puis il y a le pesant
Sourd
Grinçant
La fausse note en mille
Un éclat de sens noir dans le pur
Il s’agira de le laver de ses oripeaux sales
De le tailler jusqu’au centre
Et d’y allumer un feu clair
La brûlure n’a pas de paix sans Vos bouches